En février, vous aviez rdv avec les thés sombres

Les thés sombres, ça vous parle ? Il s'agit de thés un peu mystérieux qui peuvent dérouter au premier abord, mais qui réservent de très belles surprises. Ils sont sûrement les thés les plus éloignés de notre conception occidentale du thé, mais grâce à une grande rondeur en bouche et des notes aromatiques évoquant la forêt, ils sont bien plus accessibles qu'on ne l'imagine. 
Et c'était le sujet de notre atelier du mois de février ! 

 

En ce jeudi de février, une demi-douzaine de personnes était présente au Thé des Muses afin d'en savoir plus sur les thés sombres. A vrai dire, il s'agissait d'un thème mystère : les participantes ont découvert le thème le jour même. Si toutes avez déjà eu un premier contact (au moins) avec cette famille de thé, certaines appréhendaient un peu le sujet... 
Comme d'habitude, après une première partie d'explications et de découverte en magasin (voir les feuilles, sentir les différences, ...) nous avons pris le temps de déguster plusieurs thés sombres pendant l'atelier :

- Cha Doi Kio : un thé sombre "sheng" du Nord de la Thaïlande

- Liu Bao 2012 : un thé sombre "shu" de la province de Guangxi, en Chine. Thé en vrac vieilli dans des caisses en bois avant d'être conditionné dans des paniers en bambou

- Pu Erh Mandarine 2015 : un thé shu du Yunnan vieilli à l’intérieur d’une mandarine évidée. 


 

Thé sombre ou Pu Erh, quelle différence ?

 

On entend souvent parler du Pu Erh, mais qu'est-ce qui le distingue vraiment des autres thés sombres ? En fait, le Pu Erh vient d’une région bien précise de Chine : la ville de Pu Erh et sa région, le Yunnan. Un peu comme une AOP chez nous ! 
Les thés sombres eux désignent de façon plus large cette couleur de thé : les thés fermentés, peu importe où ils ont été produits. C'est d'ailleurs la seule couleur de thé qui ne se définit pas de part son oxydation, mais par sa fermentation. 

 

Oxydation VS fermentation : quelle différence ? 

 

- L'oxydation est une réaction chimique avec l'oxygène. C'est votre pomme ou votre banane qui brunit lorsque vous la coupez mais ne la mangez pas tout de suite. C'est les feuilles orange de l'automne. C'est ce qui se passe aussi après la récolte de thé et la principale différence entre les différentes couleurs de thé : thé vert = thé non oxydé ; thé noir = thé oxydé ; thé oolong = semi-oxydé.

 

  • La fermentation est une réaction biologique, où des micro-organismes qui vont faire évoluer un matériel organique de base. Il peut y avoir une fermentation alcoolique (le raisin qui devient vin), une fermentation lactique (comme les légumes lacto-fermentés), ...Les thés sombres sont des thés post-fermenté. C'est ce processus qui lui confère ce goût unique et évolutif. Il s'agit d'ailleurs d'une fermentation microbienne complexe, qui allie différents types de fermentation (levure, moississures, bactéries, ...) en fonction de comment est menée la transformation du thé.

 


Cru ou cuit, en vrac ou compressé : comment s’y retrouver ?

 

Il y a plusieurs techniques pour fabriquer du thé sombre. On en distingue principalement deux : le sheng et le shu. 

- Le sheng, parfois appelé "pu'er cru" est la technique traditionnelle pour fabriquer le thé sombre. Elle consiste en la fabrication d'un thé vert non façonné (du maocha), qui sera ensuite mis en contact avec de l'humidité afin de lancer la fermentation. Il faudra ensuite laissé le temps au temps afin que la magie opère. On estime qu'il faut une dizaine à une quinzaine d'années minimum afin qu'il devienne sombre. 
C'est un thé de garde, qui évolue et se bonifie avec le temps, comme un bon vin. A partir de 50 ans, on peut trouver l'appellation "vieux pu'er". 

 

- Dans les années 1970, grâce aux progrès de la science, les chinois ont découvert comment fabriqué un thé sombre dès la fabrication : le shu, ou "pu'er cuit", était né. Il s'agit donc d'une fermentation accélérée, qui ne prendra que quelques semaines.  Les arômes caractéristiques de sous-bois (mousse, champignon, humus, ...) sont présents dès le départ et la liqueur est bien ronde en bouche. Les shu continueront tout de même évoluer avec le temps, notamment en fonction de leur environnement, mais de façon moindre. 

Il est a noté qu'un sheng ne deviendra pas shu avec le temps : chacun offre une palette aromatique spécifique. Le sheng peut d'ailleurs être consommé "jeune" (avant ses 10 ans) et révèlera un goût très agréable aussi. 

 

 

Si l'Europe a découvert le thé fermenté sous cette deuxième forme (et continue toujours à le connaitre majoritairement ainsi), c'est bien le sheng qui est la forme ancestrale (estimée à plus de 3000 ans !). Elle correspond même à l'un des "âge du thé" : l'âge du thé compressé, qui a connu son apogée entre le VII et le IXème siècle sous la dynastie Tang et le développement de la "Route du thé et des chevaux". Le thé était alors une monnaie d'échange : littéralement la Chine échangeait du thé contre des chevaux avec le Tibet. Pour une question de transport, le thé était compressé : écu, brique, galette, ... Chaque forme avait un poids spécifique et une valeur déterminée. C'est bien plus tard que le thé en vrac est devenu monnaie courante (vers le XIVème siècle). 

 

Aujourd'hui, les deux formes de thé cohabitent : thé en vrac ou compressé. Les deux techniques (shu et sheng) existent d'ailleurs dans les deux formes. 

- thé en vrac : facile à préparer, parfait pour tous les jours. Peut être préparé de façon traditionnelle ou classique. 

- thé compressé : idéal pour les infusions à répétition (infusion en gong fu cha par exemple) et le vieillissement.  

 

LE SAVIEZ-VOUS ? 
Si les Tibétains échangeaient leurs chevaux contre du thé, ce n'est pas pour rien ! En effet, ils avaient déjà compris que le thé sombre était profitable à leur alimentation très riche en graisses animales (aide à la digestion, assimilation des lipides, ... ) et à leur santé (aliment Yang dans la philosophie chinoise).  De nombreuses études ont été menées depuis et démontrent des effets très positifs sur notre santé. 

 

Merci à toutes les personnes présentes pour ce moment d’échange et de découverte !
Nous sommes heureux d'avoir pu vous faire découvrir les thés sombres autrement ... et même les apprécier pour la première fois pour certaines ! La famille des thés sombres est très variés, tant en technicités, en therme d'origines et surtout en goût ! Le potentiel d'évolution de ces thés de garde en fait également un sujet de découverte inépuisable. 

 

 

Si vous avez manqué cet atelier, pas d’inquiétude : chaque mois nous explorons un thème lors de deux moments privilégiés : un atelier court (sur la pause médiane) et une soirée d'approfondissement...  pour aller 'Un peu plus loin que la tasse" ...

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