Entre février et mars, les théiers sortent de dormance.
Le temps de grandir...
Il est bientôt l'heure des premières récoltes !
Rappelons que le Camelia (Sinensis, Assamica et tous les autres - le "théier"), est une plante qui entre en dormance si elle n'a pas suffisamment de lumière. C'est typiquement ce qui se passe l'hiver pour les régions productrices situées au Nord de l'équateur et celles qui se trouvent en altitude.
Les récoltes de (février/)mars à avril(/mai) sont donc les premières de l'année, aussi appelées "First Flush".
Ces sont des récoltes souvent recherchées par l'amateur de thé, car elles dévoilent déjà le potentiel de toutes les autres récoltes de l'année, une sorte d'avant-goût. Un avant-goût très goûteux accessoirement, puisqu'à la sortie de l'hiver, les feuilles sont tendres et gorgées de chlorophylle et de saveurs. Des récoltes souvent très "vertes", qui sentent bon le printemps.
Pour obtenir ce résultat (et pour les autres récoltes de l'année également), les feuilles doivent être cueillies juste à temps, ni trop tôt, ni trop tard. Le timing de la récolte de thé est un, voir LE, secret des meilleurs jardins.
Alors, avec la moitié de la planète confinée, qu'en est-il cette année ?
Un premier constat général peut être fait : si la campagne a globalement était beaucoup moins touchée par le COVID-19 que les villes, la situation n'est pas la même pour les grands jardins, employant beaucoup de main d’œuvre, que pour les petits jardins familiaux.
En effet, en Chine par exemple, où dans les grandes plantations les cueilleurs de thés viennent souvent d'autres régions spécialement pour ce travail saisonnier, il a fallu s'assurer de la bonne santé (et bonne forme, c'est un travail physique) et de la possibilité de se déplacer des cueilleurs. Certains jardins ont dépêché des bus pour aller chercher leurs cueilleurs, et tous, avaient un certificat médical d'aptitude à jour, souvent disponible sur leur smartphone, sous forme de QRcode... Quelle organisation !
Un mal nécessaire, car comme dit plus haut : après l'heure, ce n'est plus l'heure.
La tâche est plus aisée pour les petits fermiers, habitants juste à côté de leur parcelle et s'organisant de manière familiale.
Le deuxième constat est que, partout sur la planète, le transport de marchandises est aujourd'hui compliqué. Les navires commerciaux sont bloqués à quai (voir au large, sans autorisation d'accoster) et les vols internationaux de fret sont presque tous reportés.
Un peu plus de largesse une fois de plus pour les petits producteurs : c'est toujours plus facile d'expédier 30 kg que 1 tonne ! Mais pour l'instant, même les petites quantités (échantillons par exemple) n'étaient pas envoyées.
Donc même si les récoltes peuvent avoir lieu à certains endroits, le thé risque d'arriver plus tardivement dans nos théières qu'à l'accoutumée...
La bonne nouvelle est que cela concerne uniquement les nouvelles récoltes, et qu'il reste des thés des récoltes 2019 disponibles chez nous.Pas de pénurie totale à prévoir à la sortie du confinement donc.
Pour ce qui est des nouvelles récoltes justement, la situation n'est pas la même partout.
Petit tour d'horizon des principales origines du thé :
La Chine
Si la Chine a été le premier pays impacté par le virus, le déconfinement a commencé juste à temps et les premières récoltes ont commencé, avec une organisation certes plus compliquée, mais à peu près normale partout.
Le transport et la logistique semblent également prendre le chemin d'un retour progressif.
Rappelons que la Chine est le premier producteur de thé au monde, en termes de volume. Elle produit principalement des thés vert, blanc, oolong et pu'er, mais sa production de thé noir est moindre par rapport à l'Inde ou au Rwanda.
L'Inde La situation en Inde est totalement inverse : le confinement, appliqué depuis le 25 mars et reconduit pour 1 mois encore au minimum, a coïncidé avec le début des récoltes et est très strict. De l'Assam au Nigliri en passant par Darjeeling, quasiment tous les jardins sont à l'arrêt complet depuis lors.
Concrètement, cela signifie une minuscule voire une absence de récolte de printemps : la saison des first flush dure habituellement 6 semaines, le confinement à commencé vers le 10ème jours de celle-ci. A Darjeeling notamment, très apprécié pour ses first flush, seuls les jardins les plus bas en altitude ont pu récolter quelques parcelles. Lors du déconfinement, après plus de 2 mois sans entretien, il faudra tailler sévèrement les théiers afin d'éliminer les feuilles trop matures (et donc moins savoureuses pour fabriquer du thé) et stimuler la croissance de jeunes feuilles. Un délai de 2 à 3 semaines minimum sera donc nécessaire avant la moindre récolte.
En résumé : une récolte de printemps très mince et une récolte d'été certainement également amoindrie. Reste à savoir à quel point, selon la durée du confinement. La question des prix se posera également, les rapports entre l'offre et la demande étant totalement bouleversés.
Après la crise politique de 2018 qui a opposé les Gorkhas (la majorité des habitants et des travailleurs de Darjeeling, d'origine népalaise) et les instances gouvernementales du Bengale-Occidental, c'est une situation économiquement complexe que vont rencontrer les producteurs de thés de Darjeeling. Une situation qui risque bien entendu de s'étendre aux autres régions du pays, une partie importante de la production du thé indien étant destinée à l'export.
Le Japon et Taïwan
Dans ces deux pays, les récoltes de printemps ne débuteront que d'ici deux semaines environ. Si la situation sanitaire semblent jusqu'à maintenant ne pas avoir d'impact sur l'activité des plantations, tout reste donc à écrire... Mais il y a bonne raison d'espérer, les plantations étant majoritairement à taille humaine, nous avons d'ailleurs eu des nouvelles rassurantes des producteurs avec lesquels nous travaillons habituellement. Seul le transport risque de poser problème.
En Afrique (Rwanda, Malawi, Kenya, ...)
Entre confinement difficile à mettre en place et récession économique prédite, la situation en Afrique est préoccupante. Très grandes exploitations, majoritairement des thés noirs destinés aux sachets, les défis à la production du thé se multiplient pour ces pays : main d’œuvre pour la récolte, la transformation et l'emballage, condition sanitaire, logistique, ...
Nous vous tiendrons bien entendu au courant de l'évolution de la situation au fur et à mesures des nouvelles que nous aurons.